artistes aborigènes d’australie
Kathleen Petyarre
Kathleen Petyarre est l’une des artistes aborigènes les plus importantes. Présente dans de nombreux musées, dont le Quai Branly à Paris et les Confluences à Lyon, elle connaît un succès grandissant depuis ses premières œuvres peintes au milieu des années 1980.
En 1996, elle reçoit le Testra National Aboriginal Art Award, la récompense la plus prestigieuse attribuée à un peintre aborigène, qui la propulse sur la scène internationale.
Née en 1940 à Utopia, à environ 250 km au nord-ouest d’Alice Springs, Kathleen a hérité de ses parents des histoires et des droits dont elle est la gardienne et qu’elle reproduit dans ce style si particulier consistant à remplir ses toiles de petits points disposés en des compositions complexes et raffinées.
Parmi les « rêves » et les sites auxquels se réfère son travail, citons le Rêve des graines du Bush (souvent intitulé « Mon Pays »), le Rêve du Dingo et surtout le Rêve du Lézard Diabolique des Montagnes (lié à son lieu de naissance, Atnangker), qui constitue le thème principal de son art.
Kathleen – décédée en 2018 – est la sœur de Gloria Petyarre et la grand-mère d’Abie Loy Kemarre qu’elle a contribué à former.
Charlie Tjapangati
Charlie Tjapangati, dit « Charley », naît vers 1949 près de Juniper Well, dans le Désert Occidental. En 1946, son groupe est ramené à Papunya dans le cadre de la politique d’assimilation, ce qui lui permet, très jeune, de se familiariser avec les premières œuvres de ceux qu’on appellera plus tard les Peintres du Désert.
Après son initiation, il se marie avec Numida Nampitjinpa, la fille de Uta Uta Tjangala avec lequel il collaborera à la réalisation d’une toile devenue célèbre qui décrit le site de Umari situé à l’est du Mont Webb.
Charley peint ses premières toiles à partir de 1978 et acquiert rapidement une notoriété qui lui permet d’accompagner l’artiste Billy Stockman Tjapaljarri pour une exposition aux États-Unis. Il s’installe à Kintore en 1982.
Reconnu pour son travail méticuleux et ses tracés linéaires complexes aux somptueux effets d’optique, Charlie peint des « histoires » ou « rêves » liés au cycle cérémoniel Tingari et, en tant qu’initié, participe à des œuvres collectives masculines grand format.
Kudditji Kngwarreye
Kudditji Kngwarreye occupe une place à part au sein du mouvement des peintres aborigènes du désert.
Né vers 1928 à Utopia, il a eu une enfance traditionnelle dans le bush et a d’abord travaillé comme gardien de bétail puis comme mineur dans des exploitations d’or.
Kudditji (phonétiquement Goo-beh-Chee) est héritier de plusieurs « rêves » importants et gardien de sites cérémoniels sacrés réservés aux « affaires » des hommes. La majorité de ses toiles s’y réfèrent sous le titre My Country.
Si au début, à partir de 1986 où il a commencé à peindre, son style moderne et intuitif, avec de larges aplats, n’a pas été bien accueilli par les galeristes, il a peu à peu été reconnu comme l’un des artistes les plus novateurs. En travaillant à la brosse comme sa sœur, la très célèbre Emily Kame qui, elle aussi, a délaissé la peinture pointilliste, il offre une vision de son pays vu du ciel grâce à des compositions où les couleurs, choisies selon les saisons et les lieux, se juxtaposent harmonieusement. Le résultat n’est pas sans rappeler les espaces de Rothko.
Profondément originales, très personnelles, ses œuvres sont aujourd’hui présentes dans toutes les grandes collections. Il est décédé en 2017.
George Hairbrush Tjungurrayi
Né à Kiwirrkurra près de Kintore vers 1947, George Hairbrush Tjungurrayi arrive à Papunya en 1962. Il ne commence à peindre pour lui-même que dans les années 1976-1980.
Au début son travail est assez classique, avec comme sujets de prédilection les cérémonies et les histoires liées au voyage des Ancêtres durant le cycle Tingari. Sa peinture est faite de cercles en pointillés reliés par des lignes de traverse.
Dans les années 1990 cependant, il inaugure avec son frère Willy et d’autres artistes majeurs tels que Turkey Tolson Tjupurrula, Ronnie Tjampitjinpa ou Mick Namarari, une nouvelle phase du mouvement de peinture du désert.
Il développe alors un style minimaliste et abstrait plus personnel, caractérisé par des lignes parallèles et des motifs géométriques qui vibrent en rythme créant un effet optique saisissant.
Les œuvres de George Hairbrush Tjungurrayi sont présentes dans tous les grands musées dédiés aux arts premiers en Europe, en Amérique et, bien sûr, en Australie.
Il est un des maîtres actuels les plus recherchés.
Ningura Napurrula
Ningura Napurrula, figure emblématique de l’art aborigène australien, naît vers 1938 à Watulka, dans le Désert de Gibson (Territoire du Nord). En 1962, elle quitte sa terre natale avec son mari, Yala Yala Gibbs Tjungurrayi, l'un des six artistes du Mouvement Papunya choisis par Bardon pour recevoir une allocation du gouvernement australien afin de peindre à plein temps. Le couple s'installe définitivement à Papunya en 1963.
Ningura ne commence à peindre que dans les années 90, influencée par la vision de son mari, inventeur du style « Tingari ». Elle contribue aussi à préserver et faire connaître les traditions Pintupi et les thèmes féminins, cofondant le Mouvement de Peinture Féminin de Pintupi, né à Pintore.
En 2002, elle remporte le prestigieux Alice Prize et quelques années plus tard, inspirée par les symboles qui lui sont chers, crée le design du plafond et des murs du premier étage du Musée du Quai Branly, ce qui lui assure une renommée internationale.
Ningura réalise de grands formats souvent bicolores – noir et blanc ou rouge et blanc. Ses motifs blancs en « points » forment un treillis se détachant du fond noir, créant une impression de profondeur saisissante. Son raffinement et son sens du détail en font une artiste remarquable, dont les œuvres ont été exposées dans de grandes villes d’Australie, d’Asie, d’Europe et des États-Unis. Elle est décédée en 2013.
Judy Watson Napangardi
Née dans les années 1930-1935 à Yarungkanji, au N-O d’Alice Springs, Judy Watson Napangardi a d’abord mené une existence semi-nomade traditionnelle de chasseur-cueilleur comme beaucoup de Warlpiri de sa génération. Elle a partagé son temps entre les sites de Mina Mina et de Yingipurlangu, sur des terres ancestrales situées en bordure des déserts de Gibson et de Tanami.
Cette femme réputée pour son « énergie incroyable » a élevé 10 enfants dans cet environnement désolé, avant de se fixer à Yuendumu (le second village après Papunya à s’être engagé dans l’aventure picturale du désert occidental) avec sa sœur Maggie, qui lui a appris à peindre. En 1986 elle commence à produire pour le Centre d’Art de la communauté et devient vite une artiste incontournable jusqu’à son décès en 2016.
Ses œuvres aux motifs complexes et colorés (parfois en noir et blanc) révèlent une richesse d’informations sur l’histoire, les rites et les mythes des sites qu’elle représente. Deux thèmes dominent avec une force et un mouvement remarquables : les cérémonies des femmes à Mina Mina et les cordes de cheveux (hairstring) portées lors des initiations.
Numida Nampitjinpa
Née aux alentours de 1954, Numida Nampitjinpa est l'épouse de Charlie Tjapangati, célèbre pour ses représentations de l’histoire cérémonielle du cycle Tingari, et la fille de Manbala Napanangka, l'une des premières femmes à rejoindre le mouvement artistique de Papunya Tula. Ancrée dans une lignée d'artistes influents, Numida perpétue cette riche tradition culturelle.
Son travail, d’une finesse et d’une délicatesse remarquables, se distingue par une géométrie de lignes minutieusement tracées, souvent convergeant vers un point ou un axe central. Cette précision s'accompagne d'une palette de couleurs sobre mais harmonieuse, conférant à ses œuvres une élégance intemporelle.
Numida réside à Kiwirrkura, en Australie-Occidentale, où elle continue de produire des œuvres profondément ancrées dans la culture Pintupi et les récits sacrés de sa communauté.
Yinarupa Nangala
Yinarupa Nangala est une femme Pintupi née vers 1960 près de Mukula, en Australie-Occidentale, dans la région où se trouve aujourd'hui la communauté de Kiwirrkurra. Elle a été la co-épouse (notamment avec Ningura Napurrula) d’un autre grand artiste de Papunya Tula, Yala Yala Gibbs Tjungurrayi. Elle est ainsi apparentée par alliance à George Ward et Willy Tjungurrayi.
Yinarupa à commencé à peindre en 1996, mais son travail n’a rencontré alors qu’un intérêt modéré. Les choses ont changé progressivement à partir des années 2005, quand son style plutôt austère a été perçu pour ce qu’il est, un art classique Pintupi – ce qui lui valut de nombreuses récompenses dont le prestigieux Testra Award (en 2009).
Utilisant principalement le noir et le blanc ainsi que la technique des dots, ses œuvres offrent une vue animée et aérienne de son pays natal à Mukula et en particulier du site sacré de Ngamurru, un lieu de rencontre pour les femmes où se déroulent de nombreuses cérémonies.
La région de Ngamurru est connue pour l’abondance de graines d’acacia qui, transformées en farine puis en galettes, sont consommées pendant les rites cérémoniels. Les divers éléments représentés dans les toiles de Yinarupa, outre la présence des femmes sous forme de ’U ‘, sont des caractéristiques du pays tels que les trous d’eau et les aliments du bush (par exemple les baies kampararpa figurées par des croches).L’ensemble évoque de manière délicate et détaillée les déplacements des femmes-ancêtres dans cette région au Temps du Rêve.
De nos jours, Yinarupa Nangala (ou Yinarupa Gibson Nangala) partage son temps entre sa communauté de Kiwirrkurra et Alice Springs. Elle est considérée comme un acteur majeur de la deuxième génération de peintres aborigènes, incontestablement appelée à jouer un grand rôle dans l’avenir du développement de Papunya Tula.
Ronnie Tjampitjinpa
Ronnie Tjampitjinpa peint des motifs associés au Cycle Tingari, mais aborde également d’autres thèmes, comme son impressionnant « Rêve du feu » ou ses fascinants « Rêves d’eau ». Initié dès son adolescence selon la tradition Pintupi, il livre sur la toile une partie précieuse de ses connaissances, évoquant symboliquement les voyages des ancêtres Tingari ayant façonné les paysages de son pays. Ce type de peinture, simple en apparence avec ses traits parallèles ou ses rectangles en cascade, mais d’une richesse saisissante lorsqu’on en explore la complexité, en a fait un artiste recherché. À travers ses œuvres, il retrace les pistes suivies par les héros mythologiques au Temps du Rêve.
Né en 1943 près de Kintore, à environ 500 km à l’ouest d’Alice Springs, Ronnie Tjampitjinpa rejoint dès les années 1970 le mouvement pictural initié par Geoffrey Bardon. Il fait partie des premiers hommes pintupi à adopter l’art non seulement comme un mode d’expression, mais aussi comme un moyen puissant de préserver et transmettre leur héritage culturel. Grâce à son approche singulière et la force de ses compositions, il s’impose rapidement comme une figure marquante du mouvement, influençant de nombreux artistes.
Tout au long de sa carrière, son talent a été célébré pour son mélange unique d'éléments traditionnels et contemporains, ses compositions géométriques audacieuses et son usage innovant de la couleur. Ses peintures, hypnotiques et profondément symboliques, sont non seulement visuellement époustouflantes, mais aussi ancrées dans l’histoire et les croyances de son peuple. À travers chaque œuvre, il tisse un lien entre le passé et le présent, le sacré et l’esthétique.
Ronnie est décédé en juin 2023, laissant une empreinte durable sur l'art aborigène contemporain. Figure respectée, il était au sein de sa communauté surnommé le "Roi de Kintore", témoignant de l’admiration qu’il suscitait. Son héritage continue d’inspirer ceux qui découvrent ses œuvres, perpétuant l’histoire et la mémoire des ancêtres Tingari à travers le langage universel de l’art.
Gloria Petyarre
Gloria (1942-2021) est l’une des artistes les plus prolifiques et influentes d’Utopia. Une pionnière dans bien des domaines ! Elle fait partie de la légendaire fratrie des 7 sœurs Petyarre, toutes artistes, dont Kathleen, la plus importante, Nancy, Violet et Ada Bird.
Comme beaucoup d’autres dans les années 1975-1985, Gloria a d’abord été reconnue pour son travail avec le batik. Elle s’est mise à l’acrylique et à la peinture sur toile à partir de 1988 et a été la première artiste autochtone à remporter un prix majeur d’art australien, le très prestigieux « Wynne Prize for Landscape » (en 1999), modifiant à jamais la perception sur et l’engouement pour l’art aborigène.
Son sujet initial d’inspiration reposait sur les peintures corporelles. Elle montrait clairement les motifs peints sur les poitrines et les épaules des femmes lors des cérémonies. Par la suite, elle a étendu son style à des niveaux plus élevés d’abstraction, expérimentant continuellement de nouvelles techniques et multipliant les récits qu’elle illustrait : ainsi le « Rêve » des Graines d'Herbe, de l'Igname Crayon, de l'Émeu, du Haricot, ou celui de la Petite Herbe Brune
Au cours des 20 dernières années de sa carrière, elle s’est concentrée sur le thème des « Bush Leaves », des plantes médicinales et sacrées, thème qui l’a rendue mondialement célèbre et fait entrer dans toutes les grandes collections. Elle laisse derrière elle un héritage artistique exceptionnel qui continue d'inspirer les générations d'artistes autochtones et de séduire les amateurs d'art du monde entier.
Lorna Ward Napanangka
Des centaines de bâtonnets, eux-mêmes constitués de plusieurs points s’alignent les uns à côtés des autres sur la toile dans un quadrillage très libre créant une impression de vie intense. Cette peinture illustre des événements qui se sont déroulés à l’origine sur le site du trou d’eau de Marrapinti. L’histoire, suivant les anciens récits, voudrait qu’un groupe d’Ancêtres féminins ait campé durablement et donné vie à cet endroit.
Le motif en forme de grille représente littéralement une carte symbolique de la région. Le site est également associé aux rituels de perçage du nez pour les femmes Pintupi. Il constitue un des thèmes majeurs de Lorna Ward Napanangka, qui en est la gardienne et le célèbre à sa manière dans un style pictural extrêmement fin et rythmé.
Née à Papunya en 1961, Lorna est la fille de Timmy Payungka Tjapangardi, un artiste de la première génération. Elle a commencé à peindre en 1996 lorsqu’elle vivait à Kintore, mais sa notoriété s’est mise à croître après sa participation à l'œuvre collaborative Kiwirrkurra Women's Painting.
Lorna Ward Napanangka expose ses œuvres depuis 2000 en Australie et à l'étranger. Son travail a souvent été comparé à celui de Dorothy Napangardi. Manifestant une grande maîtrise de l’espace et des compositions étonnamment modernes, elle est perçue par beaucoup comme un des chefs de file de sa génération.
Mick Namarari Tjapaltjarri
Membre du groupe linguistique Pintupi, Mick Namarari Tjapaltjarri (Marnpi 1926–Alice Springs 1998) fut l’un des artistes fondateurs du mouvement de Papunya Tula en 1971. Geoffrey Bardon, l’instituteur australien qui joua un rôle déterminant dans la naissance de celui-ci, considérait Mick Namarari comme un contributeur majeur en raison de sa connaissance aigue de la tradition et de l’art aborigène.
Après avoir commencé par explorer le style figuratif reproduisant dans le détail et de façon pointilliste assez classique des peintures au sol cérémonielles et des objets sacrés, Mick Namarari a évolué vers la création de grands motifs géométriques dans les années 1980. Il a développé par la suite un style au trait encore plus minimaliste.
Jusqu’à la fin de sa vie, son travail restera marqué par l’originalité, la richesse et la complexité de ses innovations.
On peut dire de cet homme discret qu’il figure aujourd’hui parmi les artistes aborigènes les plus brillants et renommés.
Wentja Morgan Napaltjarri
Wentja Morgan Napaltjarri peint souvent le pays ancestral de son père, situé près de Kintore, dans le désert de Gibson, bien que, encore enfant, et comme d'autres avant eux Wentja et sa famille furent contraints de quitter cette région pour rejoindre Haasts Bluff beaucoup plus à l’est. Cela se passait en 1948. Ils ne retournèrent jamais sur leurs terres traditionnelles.
Le père de Wentja, Shorty Lungkata Tjungurrayi, était un grand initié reconnu pour ses talents de chasseur, de guérisseur et un sage respecté pour sa connaissance de la tradition Pintupi. Il fut également l’un des artistes fondateurs du mouvement de peinture aborigène. Lorsqu’il effectua son voyage à travers le désert avec son frère et leurs familles respectives, marchant d’un point d’eau à un autre, il suivit les traces des Hommes Emeu Ancestraux. Seule une connaissance précise des kapis (eaux) - qu’elles émanent de simples trous dans la roche, de source ou de bassins d’argile - leur permit de survivre.
Ce périple constitua manifestement un épisode marquant dans la vie de Wentja. Mêlé à d’autres histoires associées au cycle Tingari, réinterprété avec des « rêves » relatifs à son pays de naissance, il sera une source d’inspiration forte lorsqu’elle entreprendra de peindre pour elle-même. En effet, après un apprentissage auprès de son père, puis en participant a des œuvres collectives avec d’autres anciens de sa famille, ce n’est qu’en arrivant à Mt Liebig avec son mari et ses enfants, dans les années 1995-96, que commença sa propre carrière qui s’envola rapidement, faisant d’elle une artiste très recherchée.
L’un des totems principaux de Wentja est le « Lézard à langue bleue », une peinture formée de cercles concentriques qui illustrent des points d’eau et/ou des sites cérémoniels, l’espace rempli de dots entre ces cercles représentant les graines que mange l’animal. Cependant une grande partie des informations contenues dans ses tableaux reste mystérieuse, ce qui précisément les rend si puissants.
Wentja est décédée en 2021.
Billy Stockman Tjapaljarri
Billy Stockman Tjapaljarri naît aux alentours de 1927 à Ilpitirri, dans les Territoires du Nord. En 1928, sa mère et d’autres membres de sa famille sont tués lors d’un massacre d’Aborigènes à Coniston - son père, parti chasser ce jour-là, survit.
Billy débute comme gardien de bétail, ce qui lui vaut le surnom de « Stockman ». En 1960, il devient cuisinier à Papunya, puis se lance dans la sculpture sur bois avec son cousin Clifford Possum pour le Centre d’Art et d’Artisanat. À la demande de Geoffrey Bardon, initiateur du mouvement artistique de Papunya, il peint sur le mur de l’école le célèbre « rêve » de la « fourmi à miel » (Honey Ant Dreaming).
Dans les années 1970, il est nommé membre du Conseil des Arts Aborigènes et président de Papunya Tula Artists. En 1988, il part pour New-York avec Michael Nelson Jagamarra (auteur du célèbre tableau Five Stories qui se vend au prix le plus élevé jamais atteint par un peintre aborigène vivant et est considéré comme une œuvre majeure), afin de réaliser avec celui-ci une peinture de sable dans le cadre d’une exposition.
Devenu au fil du temps un des artistes phares les plus connus du Mouvement d’Art des Peintres du Désert, Billy partage sa vie entre Ililly, dans les Territoires de l’Ouest, et surtout Alice Springs où il décède en 2015.
Old Mick Wallankari Tjakamarra
Old Mick Wallankari Tjakamarra est né vers 1905/1910 à Watipikipinrri, près du Mont Wedge, et est mort en 1996. Il fut, semble-t-il, l’un des derniers survivants du clan Kukatja qui peuplait alors la région du Désert Central.
Durant ses premières années, Mick vécut de chasse et de cueillette avant d’être, comme bien d’autres avant lui, réinstallé à Papunya dans les années 1960. Parlant bien l’anglais, il servit souvent d’interprète pour les autres membres de la communauté. Mais son rôle ne s’arrêta pas là, loin s’en faut: reconnu comme chef de cérémonie important - d’où sa profonde connaissance des motifs traditionnels -, il fut celui qui, avec un petit groupe d’hommes, remit un jour à Geoffrey Bardon un minuscule bout de papier sur lequel était reproduit un dessin à peine lisible. Par ce geste en apparence insignifiant, il venait de lui octroyer la permission de faire reproduire sur un mur les motifs traditionnels que les enfants de l’école réalisaient sur le sable. Ainsi naquit la première peinture murale de Papunya, le « Rêve de la Fourmi à Miel » (Honey AntDreaming), que réalisèrent Billy Stockman et Long Jack sous la supervision de Kaapa.
Ce moment marqua le début de l’engouement pour la reproduction artistique de dessins traditionnels secrets ainsi que de cartes reproduisant les points d’eau et les sites sacrés.
Peu à peu, Geoffrey Bardon acquit la confiance de Mick qui, en tant que leader spirituel, lui donna les clés de compréhension des paysages du désert.
La peinture de Mick n’est pas aussi précise que celle d’autres artistes, mais ce qu’elle évoque n’en est que plus puissant et révélateur de son authenticité. Il a su raconter en image les histoires de sa terre dans un style brut et infiniment spirituel. Certaines de ses toiles ne peuvent être comprises qu’à travers le regard de personnes initiées.
Sa carrière de peintre fut écourtée. Malade et presque aveugle, il fut contraint d’abandonner la peinture dans les années 80. Son art continue aujourd’hui à influencer la vision des artistes aborigènes contemporains.
Betty Club Mbitjana
Betty Club Mbitjana (parfois orthographié Mpetyane) est née en 1954 ou 1955 dans les environs d’Utopia, Territoire du Nord. Elle y a passé ses premières années, mêlant vie traditionnelle et éducation occidentale.
Fille de l’artiste de renommée mondiale Minnie Pwerle, nièce d’Emily Pwerle, Betty et sa sœur Barbara Weir ont grandi en observant l’essor du mouvement artistique dans et autour d’Utopia. Elle a commencé à peindre avec le groupe d’artistes participant au projet de batik, période durant laquelle elle a voyagé à travers l’Australie. Elle s’est ensuite rapprochée de sa mère à mesure que celle-ci devenait plus célèbre.
Après le décès de Minnie Pwerle en 2006, la carrière de Betty a pris son envol de manière autonome, gagnant en notoriété. Elle a repris plusieurs motifs cérémoniels hérités de sa mère, tels que le « Rêve du Melon de Brousse », représentant un fruit séché dégusté par les femmes lors de commémorations, ou le « Rêve d’Awayle » qui se réfère aux cérémonies féminines, aux danses et aux peintures corporelles arborées dans ces occasions.
Avec sa technique de peinture distincte, en « vue du ciel », Betty Club nous offre une interprétation très personnelle de ces cérémonies, combinant parfois plusieurs motifs dans un style énergique, rempli de mouvements. Elle est décédée en 2023.
Lilly Kelly Napangardi
Lilly Kelly Napangardi est née en 1948 dans la région reculée de Haasts Bluff, à quelques 250km à l’ouest d’Alice Springs.
Dans les années 1970, elle vient s’installer avec sa famille à Papunya , où elle est encouragée à prendre part au mouvement d'art pictural. C’est une femme de loi respectée par la communauté Warlpiri dont elle fait partie et qu’elle s’efforce de défendre tant sur le plan culturel que sur celui des droits.
Initiée très tôt aux cérémonies et aux histoires traditionnelles de ses ancêtres, elle a commencé à peindre dans les années 1980.
Son travail a rapidement attiré l’attention. Il est caractérisé par des motifs géométriques complexes – souvent des séries de points de tailles différentes qui s’alignent de façon répétitive engendrant une impression de vagues, ou de rideaux de pluie ou de collines selon le cas. Ces motifs sont des représentations des paysages et des éléments naturels de la région où elle a grandi. Tel est en particulier le thème des « Tali », des dunes de sable, qui a largement contribué à sa renommée.
Jake James Tjapaltjarri
Jake James Tjapaltjarri est né en 1962 à Kiwirrkurra, en Australie-Occidentale. Il fait partie du groupe linguistique Pintupi et réside à Kintore, dans le Territoire du Nord.Il est le fils de George Hairbrush Tjungurrayi au contact duquel il a appris l’histoire et les mythes du cycle Tingari.
Les rêves Tingari sont très importants pour la culture et la spiritualité des Pintupi car ils synthétisent les récits de création de ce peuple, lorsque les grands héros et ancêtres de la tribu voyageaient à travers leur territoire, façonnant les paysages et créant les lieux sacrés. Ces rêves sont énigmatiques, secrets et sacrés. On ne les raconte pas aux hommes non initiés, ni aux enfants, aux femmes ou aux personnes blanches.
Comme son père, Jake produit des motifs appartenant à cet héritage. C’est sous sa tutelle qu’il a commencé à peindre au début des années 2000. Conformément au style de George Hairbrush, Jake peint avec des lignes fortes articulées en arabesque ou de façon géométrique. Il utilise des couleurs contrastées, principalement le blanc et le noir, mais aussi des ocres (crème ou orangé) afin de créer des effets optiques marquants.
Les sites dont il est le gardien sont situés autour du lac Mackay. Ses toiles, qui s’en inspirent, font de lui une des valeurs les plus intéressantes de sa génération.
Barney Campbell Tjakamarra
Barney Campbell Tjakamarra appartient au groupe linguistique Pintupi. Il naît en 1928 dans le désert près de Warburton, en Australie-Occidentale. Orphelin dès son plus jeune âge, il est élevé par un oncle et l’épouse de celui-ci. Ce sont eux qui l’emmènent à Papunya, mais plus tard Barney reviendra vivre dans le pays de ses ancêtres.
Celui-ci s'étend sur environ 150 km autour des Macdonald Ranges et comprend de nombreux puits et lacs salés à l’est et à l’ouest de Kintore. Dispersés au milieu de ce vaste territoire se trouvent une vingtaine de sites sacrés sur lesquels Barney a des droits. Il est à cet égard un membre hautement respecté de son peuple et observe un mode de vie très traditionnel. Particulièrement compétent et fier lorsqu'il parle de sa culture et des traditions, il est autorisé à illustrer les mythes du cycle Tingari, lesquels constituent le thème essentiel de ses tableaux.
Barney peint les histoires de ses rêves de manière totalement naturelle et simple, avec une rare élégance, qualité qui reflète sa personnalité. Si, au début, son travail paraît assez classique - s’articulant autour de cercles en pointillés du cycle Tingari ou de dessins corporels cérémoniels - il évolue par la suite vers un style plus linéaire à l’instar d’un Ronnie Tampitjinpa ou de Willy Tjungurrayi. À Kintore d’ailleurs, Barney travaillera souvent aux côtés de ce dernier.
Barney décède à la fin de l’année 2006.
Monica Napaltjarri
Monica Napaltjarri, artiste Pintupi née en 1960 près de Kiwirrkurra, à 750 km à l'ouest d'Alice Springs, est issue d'une famille enracinée dans le mouvement artistique aborigène. Son demi-frère, Joseph Jurra Tjapaltjarri, a dirigé le Centre d'Art de Papunya Tula, et ses sœurs Yakarri, Payu West Napaltjarri, ainsi que sa fille Maisie Gibson Napurrula, sont également peintres reconnues.
Monica commence à peindre en 1996, d'abord sporadiquement, puis régulièrement dès les années 2000. Inspirées des sites sacrés transmis par sa grand-mère, comme la grotte des femmes, ses œuvres racontent les voyages des Ancêtres Tingari, piliers de la mythologie Pintupi et de la vie spirituelle de sa communauté.
Ses tableaux, aux motifs géométriques puissants, rappellent les peintures corporelles et tracés cérémoniels. Monica vit entre Kintore et Alice Springs.
George Ward Tjungurrayi
George Ward Tjungurrayi est demeuré jusqu’à la fin de sa vie un homme du désert de l’Ouest réservé et silencieux. Il fuyait les photographies, n’était pas à l’aise avec l’anglais ni avec l’animation des grandes villes comme Alice Springs. "Je suis un homme de la brousse, moi," insistait-il, avec une pointe de fierté dans la voix.
Né dans les années 40 dans la région très isolée de Kiwirrkura, il ne rencontre des Blancs qu’en 1962 quand une patrouille gouvernementale de la protection sociale chargée de mener les derniers nomades dans les missions prend contact avec son groupe familial. Lui et les siens sont conduits à Papunya où George Ward travaillera un temps dans la fabrication de clôtures, puis dans les cuisines de la communauté.
En 1981, George et sa famille s’installent à Kintore, communauté pintupi nouvellement établie grâce à une lutte politique menée par les Aborigènes du Territoire du Nord pour se réapproprier leurs terres ancestrales.
Emboîtant le pas à ses deux demi-frères, Yala Yala Gibbs Tjungurrayi (un des fondateurs du mouvement d’art de Papunya Tula) et Willy Tjungurrayi (un artiste majeurs du désert) , il commence à peindre en 1984, d’abord avec des motifs géométriques « classiques », puis en s’orientant vers un style toujours aussi méticuleux mais plus minimaliste, et une palette inspirée majoritairement par les couleurs des terres rouge et sable de son pays. L’effet vibratoire est une caractéristique de son art.
En 2004, il remporte le prestigieux Wynne Prize décerné par l’Art Gallery à Sydney. Ses œuvres, qui racontent souvent l’histoire des voyages Tingari près des lacs Macdonald et Mckay, font partie des plus importantes collections privées et publiques.
George Ward est décédé en septembre 2023.
Turkey Tolson Tjupurrula
Lorsqu’il rejoint le groupe d’artistes fondateurs de Papunya Tula en 1972, Turkey Tolson Tjupurrula en est un des membres les plus jeunes. Avant de prendre lui-même le pinceau, il a observé le travail d’hommes plus âgés, notamment Mick Namarari et Ray Inkamala.
Le style de Turkey Tolson a évolué au fil du temps. Ses premières œuvres, de petit format, sont modestes et respectent les conventions établies par les artistes Pintupi. A la fin de la décennie, cependant, Turkey devient un peintre accompli. Il réalise plusieurs grandes toiles assez classiques, où se mêlent cercles concentriques et bandes pointillistes, d’une perfection envoûtante. Les années 1980 marquent une période de recherche et d’innovations que sa maîtrise technique comme sa connaissance des méthodes de peinture traditionnelle et sa créativité lui permettent d’explorer.
En 1990, il peint Straightening the spears, une toile aujourd’hui conservée à l’Art Gallery d’Adélaïde, qui annonce une nouvelle phase dans l’art de Papunya Tula. Dès lors, lui et quelques autres - Mick Namarari ou Ronnie Tjampitjinpa - s’orientent vers un style sobre, plus pur et délibérément minimaliste fait de lignes et de rectangles. Cette œuvre, qui se rapproche de la peinture abstraite moderne, va lui assurer une place pour la postérité.
Turkey Tolson, né en 1938 à l’est de Haast Bluff, déplacé avec sa famille en 1959 sur le site de Papunya, est également célèbre pour avoir été Président du Centre de Peinture de Papunya Tula de 1985 à 1995, pendant les années déterminantes de ce mouvement. Sa compréhension du monde des Blancs ainsi que sa maîtrise de la langue anglaise lui ont permis d’occuper une position privilégiée pour servir d’intermédiaire entre son peuple, ses parents et compagnons plus âgés d’un côté, le public non-aborigène, les galeries et l’administration de l’autre. Pour cette raison aussi, il est considéré comme une figure prééminente de sa génération. Turkey est décédé en 2001.
Long Jack Phillipus Tjakamarra
« Un homme grand et de belle prestance », d’où son nom anglicisé, c’est ainsi que l’a décrit Geoffrey Bardon: Long Jack Phillipus Tjakamarra fait partie du groupe initial de peintres réunis par Bardon au début des années 1970.
Long Jack est à l’époque employé comme gardien de l’école de Papunya avec Billy Stockman. Il est également conseiller communautaire et, en tant que tel, a joué un rôle clé dans la création de la célèbre fresque à l’origine du mouvement artistique du Désert Occidental. Ayant participé aux discussions secrètes tenues par les anciens, il rapporte à Bardon que le motif de la Fourmi à Miel est un cadeau « offert à l'école des Blancs » par les chefs cérémoniels aborigènes. Puis il aide ses amis Kaapa Tjampinjinpa et Billy Stockman dans la réalisation de la fresque.
Homme réfléchi, doté d’une profonde connaissance des lois tribales, Long Jack deviendra un ancien respecté et exercera une grande influence sur les jeunes. Profondément chrétien pour avoir été éduqué par les missionnaires luthériens, comme de nombreux membres des tribus Anmatyerre et Warlpiri dont il est issu, il saura associer sa foi chrétienne (au point de devenir pasteur en 1984) et ses croyances traditionnelles.
Son œuvre picturale comprend les Rêves du Wallaby, du Martin-pêcheur, du Dingo, du Possum et de l'Émeu, mais couvre d’autres sujets comme son Rêve de Pluie, les cérémonies des hommes, et des histoires sur sa région natale aux pieds du Mont Singleton près de Kintore. Né en 1932, il décède en 2020.
Lindsay Bird Mpetyane
Lindsay Bird Mpetyane est né vers 1935 à Mulga Bore près d’Utopia. Pendant des années, il a travaillé comme berger et gardien de bétail. A la fin des années 1970, lorsque les femmes d’Utopia se sont intéressées au batik, il a été un des seuls hommes à participer à ce projet de peinture sur soie. Puis en 1987, il a commencé à peindre à l'acrylique sur toile.
C’est un Ancien respecté et un chef tribal de la communauté Anmatyerre. En tant que tel et grand initié, Lindsay Bird peut évoquer dans ses peintures de nombreux thèmes liés à la loi des hommes. Ses œuvres, souvent de grande taille, s’imposent par le choix audacieux des couleurs et leur composition harmonieuse. Elles racontent les histoires (les rêves) du lézard Perentie, du serpent, de la graine de Mulga, de l’igname, ou de Charpa, la fourmi à miel. Y figurent souvent les sites cérémoniels sacrés où se déroulent les affaires des hommes - dans un style circulaire entouré d’armes de chasse symbolisant les esprits qui protègent la zone. Ces peintures paraissent simples dans leur conception, mais revêtent une très forte signification. Elles reflètent le respect de leur auteur pour les cérémonies tenues en ces lieux.
Lindsay Bird s’est évertué au fil des ans à faire connaître son héritage. Peindre, pour lui, n’était pas seulement une passion, mais s’intégrait dans son dessein de perpétuer son lien avec les valeurs de la terre et de le partager avec les jeunes générations. Il est décédé en mai 2024.